Sommaire
Yann, tout d’abord, quelques questions d’ordre général :
1. Quand on évoque la prononciation d’une langue, on parle de quoi exactement ?
Le mot « prononciation » est très utile car, au quotidien, il permet à tout un chacun de lancer une discussion à propos des sons émis et des sons perçus d’une langue. Mais en fait, il pose plein de problèmes. Car il se réfère à un concept non scientifique qui recouvre tous les moyens d’expression et de réception orales d’une langue. C’est un terme trop général pour être utilisé dans les sciences du langage, comme la linguistique. En réalité, les éléments de prononciation qui intéressent la didactique des langues, c’est ce qui relève de la « phonétique » d’une part et de ce qui relève de la « phonologie » d’autre part. Des termes fondamentaux que l’on va devoir expliciter ensemble.
2. Comment on enseigne la prononciation ?
Même avec ce mot problématique de « prononciation », là vous rentrez dans le vif du sujet. Il y a de nombreuses manières d’enseigner la prononciation. Avec des efficacités très variables. Mais idéalement, pour enseigner la prononciation, il faut, d’une part, une bonne connaissance du système de prononciation de la langue ou des dialectes que l’on enseigne, et d’autre part une bonne connaissance des stratégies pédagogiques existantes pour en faciliter l’acquisition. La connaissance théorique dérive en très grande partie de la phonétique (pour l’audition et l’articulation) et de la phonologie (quand il s’agit de tout ce qui est lié à la prononciation qui fabrique du sens). La didactique, elle, est donc largement dépendante des théories. Pour répondre à votre question, on enseigne la prononciation avec des connaissances et des pratiques pédagogiques.
3. Comment corrige-t-on la prononciation ?
Je vais vous dire à peu près la même chose que pour l’enseignement de la prononciation : tout repose sur les connaissances et les pratiques didactiques. Mais pour être plus précis et plus pragmatique, je vous dirais deux choses : 1) avec de jeunes enfants, on ne peut pas sérieusement utiliser l’alphabet phonétique ; on ne peut pas non plus utiliser la méthode du « répète après moi » et 2) plus positivement, on peut avoir recours à des méthodes (assez récentes) fondées sur la construction musicale de la parole ; la relation entre voix et mouvement du corps ; la kinésie et les activités ludiques en classe ; et les perceptions multi sensorielles par exemple. Il faut savoir que le « répète après moi » ne marche pas car l’apprenant n’entend pas la faute ; donc il ne peut pas répéter. Par ailleurs les approches physiques et sensorielles sont proches dans l’esprit des Méthodes dites « Montessori » et pourraient vous intéresser.
4. Qu’est-ce que ça veut dire « avoir un accent » ?
Avoir un accent ? Et bien c’est simple : on en a tous un, ou même plusieurs. Et il est souvent difficile d’en changer. La chose fondamentale que l’on doit avoir en tête c’est qu’un accent, c’est une « peau », c’est une incarnation, c’est une identité. Pour faire vite, d’un point de vue théorique, l’accent c’est la façon organisée, donc systématique, de prononcer une langue au sein d’un certain dialecte. De manière concrète, quand on vous dit que vous avez un accent c’est que vous utilisez (au moins en partie) une manière de prononcer qui n’est pas (totalement) en adéquation avec la prononciation du dialecte cible, car vous utilisez plus ou moins consciemment la prononciation d’un dialecte source. Ce qui en soi n’est pas un immense problème. A un degré superficiel, avoir un accent peut avoir du charme. A un degré plus profond, avoir un accent peut créer de sérieuses incompréhensions. Tout dépend de ce que l’on appelle « faire une faute ».
Maintenant, si on s’intéresse plus précisément, à la langue anglaise :
5. Vaut-il mieux apprendre l’anglais avec l’accent britannique ou américain ?
Voilà un problème passionnant : avoir un accent, c’est une incarnation. Alors, qui voulez-vous (qui pouvez-vous) incarner ? Personne ne peut le dire à l’avance. Tout dépend de vous déjà, de votre identité actuelle, et souvent de votre identité future, si jamais vous voulez en changer. Donc, tout dépend de qui vous êtes, et de avec qui vous avez envie ou besoin de parler. Parler, ça veut toujours dire appartenir à un groupe. Voilà donc où se situe le choix. L’accent américain (il y en a 5 ou 6 grandes familles) et l’accent britannique (il y en a une bonne vingtaine) sont souvent mutuellement compréhensibles ; mais parfois ils font barrière. Le problème n’est pas d’avoir plusieurs accents ; il faut n’en avoir qu’un seul. Mais il faut par contre s’habituer en n’en rejeter aucun. Idéalement il faut d’un point de vue de la compréhension être ouvert au maximum d’accents ! Ce qui n’est pas facile, mais il est bon de se laisser exposer à des accents américains, britanniques, canadiens, australiens etc.
6. Y a-t-il des règles claires pour établir une correspondance entre l’écriture et la prononciation en anglais ? Elles sont communes en Angleterre et aux US ?
La relation entre écriture et prononciation est toujours difficile dans la majorité des langues, même si dans certaines langues cette relation est exceptionnellement simple, comme en espagnol. Mais pour l’anglais et le français cette relation est particulièrement complexe. Toutefois, il existe bel et bien des règles. Elles sont nombreuses, assez complexes et souvent pleines d’exceptions (Malheureusement) ! Les règles concernant l’anglais britannique standard et l’américain standard, sont très proches dans l’ensemble. Et quand elles divergent, elles divergent de manière très systématique. Mais, comme je l’ai dit, il y a des exceptions. Alors, il faut aborder cette réalité-là avec courage et patience.
7. Etre francophone est plutôt un avantage ou un désavantage pour avoir un bon accent anglais ?
Oui et non. Ce qui est vrai c’est que la langue dite « maternelle » (ou « paternelle ») conditionne très largement la prononciation de la langue seconde (et des autres par la suite). Car la langue (lors de la pré-enfance) a déjà déterminé certains aspects de la structure du cerveau dans le domaine de la prononciation. Toutefois, rien n’est définitif. Il est vrai qu’on raconte que les français ont du mal à entendre et à reproduire la prononciation de l’anglais. Mais ceci est un mythe. Prenons un exemple précis. Le fameux « th » en anglais : les français le prononcent souvent mal (c’est une question de phonétique), tout simplement parce que ce son n’existe pas en français. Mais est-ce un vrai problème ? Non ! Tout simplement car ce son est très peu discriminant (et là c’est un problème de phonologie). C’est-à-dire qu’il causera très peu d’incompréhensions… Mais il vous donnera un « accent » !
8. Quel est le meilleur âge pour acquérir un bon accent anglais ?
Cette question est double. a) quel est le meilleur âge pour… ? La réponse est : quand on peut ; quand on veut, quand on nous l’impose, ou même quand nous avons des certitudes et que nous voulons que le système éducatif réponde à nos attentes. b) qu’est-ce qu’un bon accent ? Nous avons déjà répondu : un « bon » accent n’existe pas. La qualité de l’accent est une question de définition, et la définition ne peut pas être ici théorique ; elle ne peut être que pragmatique. Quand on dit naïvement « avoir un bon accent » on veut dire avoir un accent très semblable à celui d’un locuteur natif. Mais quel locuteur natif ? Cette intuition poussée à l’extrême nous ferait dire que le meilleur accent c’est celui qui garantit notre qualité d’espion en temps de guerre. Un bon accent on survit ; un mauvais accent, on meurt !
9. Des conseils particuliers pour améliorer facilement notre prononciation en anglais ?
OK. Soyons très concrets, et je ne voudrais pas être polarisé sur la prononciation. Mais je vais tout de même vous proposer des principes propres à vous et à KOKORO (jeunes enfants), même si certains de mes conseils peuvent être généralisés à d’autres situations.
- Tout enseignement et tout apprentissage doit être du plaisir (pour les enfants, les enseignants et les parents).
- Toute utilisation de la langue doit être signifiante et communicationnelle.
- La démarche la plus efficace est celle de l’écoute, de l’observation, de l’analyse et de l’imitation. (ça demande de l’accompagnement et du guidage).
- Il est essentiel de suivre des lignes de priorité : dans le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, il faut absolument faire passer l’oral avant l’écrit
- Enfin, je dirais qu’il faut minimiser au maximum les fautes. Les fautes ne sont pas des handicaps ; elles sont constitutives de tout apprentissage.
- AH ! J’allais oublier… Apprendre une langue, c’est comme apprendre à jouer du piano : ce n’est jamais facile et c’est toujours long. Mais qu’est-ce que ça peut être fabuleusement agréable !
2 réponses
Que c’est bon de te lire Yann ,
Signé une ancienne étudiante d’il y a 20 ans, alsacienne expatriée. Avec tendresse. Merci à un professeur en or.
Merci beaucoup (Li)Lou! C’est très touchant.